Chronique des exploits des comtes
de l'Anjou
Prologue
Puisque, je le crois, j’ai fait clairement connaître
ce qu'il était nécessaire de savoir sur les rois des Francs, nécessaire pour le
travail antérieur et spécialement pour celui qui suit - je vais maintenant expliquer en détail, brièvement et de
façon appropriée, « en quelques mots, du mieux que je peux », ce que
j'ai découvert au sujet des Comtes d'Anjou écrit de façon désordonnée et dans
un style assez frustre.
La vie est courte, et nous devons « donner
une longévité à la mémoire de ceux dont les vertus sont tenues pour remarquables
et éternelles. » [1]
Puisque les
prouesses militaires procèdent du summum des qualités spirituelles et physiques,
on a pris l’habitude de transférer le gouvernement des cités antiques, des
moins bons dirigeants, aux meilleurs.
Ainsi au temps
de Charles le Chauve, quelques « hommes nouveaux », qui n’étaient pas
nobles, mais plus enclins à de bons et honorables exploits que les nobles
eux-mêmes, s’élevèrent à des positions éminentes. Ces hommes, que Charles voyait assoiffés de gloire
martiale, se jetteraient il n'en doutait pas, dans le danger et la lutte avec
le destin. [2]
Car il y avait également en ce temps là des hommes d’ antique lignée, dotés de
portraits [d’ancêtres] dont l’orgueil se nourrissait des exploits de leurs ascendants
plutôt que de leurs propres faits d’armes. Quand on donnait à ces hommes-là,
n'importe quel poste ou position importante, ils choisissaient des hommes du
peuple et leur déléguaient les pouvoirs quand le roi leur ordonnait de donner
des instructions à d'autres, ils cherchaient quelqu'un pour le faire à leur
place. Ainsi, de tous ces nobles, seuls quelques uns étaient vraiment inféodés
au Roi Charles. A ces « nouveaux hommes » il offrait avec bonté le
butin des guerres, et des domaines à gagner à leurs risques et périls. Parmi
eux il y avait Tertullus, d’où est née la lignée des comtes d'Anjou, un homme
qui savait comment porter atteinte à l'ennemi, dormir à la dure, avoir faim, et
souffrir été comme hiver, sans se plaindre, et qui ne craignait qu’une
chose : que son nom ne soit sali...
En faisant tout cela, il
s’est rendu noble, et avec lui toute sa lignée.
En ce qui concerne son
père, je dirai ce qu’il faut. Je demande seulement au lecteur de me croire, et
de ne pas penser que j'ai écrit des mensonges
De Tertullus
En Gaule
armoricaine il y avait un certain Torquatius, dont les ancêtres avaient été jadis
chassés d'Armorique par les Bretons sur ordre de l'empereur Maxime. Les Bretons
lui avaient donné par erreur le nom de Tortulfus ignorants l'utilisation
appropriée du vieux nom romain. Charles le chauve, l’année où il expulsa les
Normands d'Anjou et du royaume tout entier, fit de cet homme le garde forestier
de la forêt dite du « Nid de Merle ». Comme beaucoup de récits en
témoignent, cette lignée vécut longtemps dans les forêts, en dépit de
l'opposition des Bretons. Cet homme était un paysan qui avait grandi au pays de
Redon [pagus Redonicus, une région du sud-ouest de
Chez cet
homme, « simplement grand par la
naissance, les armes de la vieillesse, à savoir la compétence et l'exercice des
qualités, ont porté des fruit merveilleux, savoir qu’il avait bien mené sa vie
et le souvenir de ses bonnes actions le rendait profondément heureux. »
[4]
Ce Tertullus,
que les généalogies antiques reconnaissent comme le premier géniteur
[progénies] des Comtes de l'Anjou avait l'esprit vif, dominait son propre destin
et les difficultés grâce à sa grandeur d’ esprit, et commença à désirer un
meilleur destin pour lui-même, osant se battre pour l’ obtenir.
Au moment
où Charles le chauve, fils de Louis et neveu de l'empereur Charlemagne, fut couronné
roi, étant l’un de la triarchie, bien qu'il n'ait pas régné longtemps, le dit
Tertullus, quittant les terres de son père, et, confiant en ses propres ressources,
souhaitant et espérant se dépasser, vint des régions occidentales en France
proprement dite porter les armes au côtés du roi.
C’est le
moment où un grand nombre d'autres hommes, confiants en leur propre force, assoiffés
de renommée et d’honneurs et espérant améliorer leur sort grâce à cette force, accoururent
de diverses régions, attirés par la
munificence royale, et motivés par les opportunités de l'époque.
Alors que
le Roi Charles, après de longues dissensions, après des guerres féroces contre
ses propres frères, en sortait vainqueur et survivant, émule de la droiture et
de la gloire de son grand-père, survivant de beaucoup de luttes, il n’était pas
loin de combler le vide (c'est-à-dire d’exercer la royauté librement et sans obstacle)
si la brièveté de la vie ne l’avait rattrapé: car il se hâtait de réparer, avec
une sagesse et une bonté admirables, tous les maux qui s’étaient abattus sur le
royaume et l’ état, pendant les luttes qui l’avaient opposé à ses frères.
Il avait
détruit la tyrannie de Nominöe, pseudo-roi des Bretons, (depuis que celui-ci s’était
violemment opposé à lui), et il avait été opposé en cela par la volonté de Dieu
et de ses saints, spécialement par Saint Florent. Il avait déjoué les complots
de beaucoup d'autres ennemis.
Car Dieu,
glorieux et merveilleux grâce à ses saints, l’est encore plus quand il se sert
d’eux pour instiller des merveilles.
Charles repoussa
aussi les Normands hostiles, une hostilité avec laquelle ils avaient dévasté tout
d’abord, puis violemment possédé, cette frange de la terre gauloise qui borde
l'océan. Il mata leur violence, et réduit leur puissance à néant. A cause de cela,
les soldats affluèrent de toutes parts : des hommes qu'il a choisis et aimés,
qu'il a placé au-dessus de ceux qu’il honorait déjà, et qu’il l’ont glorifié
proportionnellement à sa force et à sa fidélité.
Parmi ces
hommes-là il a chéri Tertullus, dont nous parlons, aujourd’hui, lui a donné une
épouse et une part du fief de Château - Landon, et une propriété composée de
quelques autres terres, en Gâtinais et dans d'autres régions françaises. Mais à ce moment là le roi, dont les projets
étaient interrompus par la destruction de son royaume, avant que la paix et la
reconstruction dont il avait rêvé [puisse être accomplie], selon la permission
de Dieu, dans la main duquel repose toutes les puissances et tous les royaumes,
le roi donc, fut enlevé au monde par une mort prématurée, apportant à
Il laissait
derrière lui un fils, héritier du royaume, appelé Louis, qui n’avait de son
grand-père que le nom. [5] Il
était inférieur en tout à son père et grand-père, et en vérité à tous ses
ancêtres royaux, et menait une vie si inutile que son inertie lui a gagné le
surnom de « Fainéant ». Pendant son misérable règne les Normands et
quelques autres ennemis mauvais et tyranniques, ayant retrouvé leur force, et
une méchanceté amplifiée, en usèrent pour longtemps dans une terre privée de
son chef.
Les Normands, ayant dépassé de beaucoup les
limites de leur invasion et pillages précédents, dépeuplèrent la Neustrie et
une grande partie de l’Aquitaine s’adonnant au vol, aux incendies criminels et au
meurtre.
D’ Ingelger
A cette
époque, Tertullus étant mort en France, son fils, Ingelger né sous le règne de Charles
le Chauve, prit possession des terres de son père. Car Tertullus avait épousé
une femme noble, une parente du duc de Bourgogne, appelée Pétronille, qui lui avait
donné ce fils.
Celui-ci fut
fait chevalier [milles] en présence du roi Louis.
Ce jeune
homme était agile, et le meilleur des chevaliers, il égalait son père en force et
même le surpassait. Il acquit beaucoup de domaines, et réalisa des exploits
audacieux et téméraires.
Dans sa jeunesse, quand une dame noble d’un
certain age, -sa marraine- et un habitant du Gâtinais, furent faussement
accusés d'adultère par les ennemis de la dame, qui voulaient (en prétextant son
« crime ») la déposséder de ses biens, il défendit et libéra cette
femme en attaquant résolument son accusateur. Cet acte là le fit aimer
tendrement de toute sa famille, et de tous les nobles qui déploraient un tel affront
envers une si noble dame. Ainsi ses terres se virent elles augmenter autour du
château paternel de Chateau-Landon.
Le roi lui donna
alors, la vicomté de la ville d'Orléans pour en percevoir les revenus. Plus
tard, devenu le représentant du roi à Tours, il défendit vigoureusement la
région contre les Normands. Deux nobles et
prêtres de Tours, Adalaudus et Raino, deux frères de noble naissance, citoyens d'Orléans, donnèrent
à Ingelger, homme de devoir juste et avisé, leur nièce Aelindis comme épouse, elle
reçut d’eux en dot leurs propres domaines avec la permission du roi et des
nobles, biens qu’ils avaient reçu en
héritage légitime dans les environs de Tours et d’Orléans. Leur domaine héréditaire était à Amboise, une petite
ville que jouxtaient les ruines d'un vieux château au sommet d’une colline. Celui-ci
avait été détruit à l’époque par les Normands.
A la
demande de ces prêtres, Louis fit reconstruire et fortifier le château pour
Ingelgerius.
Ils obtinrent
aussi pour lui, la moitié du comté de la ville d’Angers, parce qu'il y avait un
autre comte en Anjou, de l’autre côté de
Pendant
longtemps, tant qu’ il vécut, il contint les ardeurs de ceux qui voulaient
agrandir leurs terres, et restaura la paix en Anjou, excepté dans la région d’outre
- Mayenne. Il confia Amboise à Robert, fils de Haimo, un homme puissant qui lui
était fidèle. Cet homme possédait une partie de la forteresse par droit héréditaire,
et devint l’homme lige d'Ingelger.
A cette époque
Ingelger mourut, et son fils Foulques, surnommé le Rouge, lui succéda. Il accomplit
des exploits qui étaient à l'image de ceux de son père, et même plus grands
encore, contre leurs ennemis.
A la mort
de son père, au temps du Roi Louis le Fainéant, le duc Hugues de Bourgogne fut nommé
et choisi par le conseil commun des Francs pour être le gardien de Charles, fils
de Louis. Celui-ci était toujours en tutelle et incapable de régner sur le
royaume, et Louis lui-même était
affaibli par maladie.
Hugues était parent du garçon du côté de sa
mère, comme l’histoire le dit. Cet Hugues, un homme remarquable tant par sa piété
que ses qualités, était plus doué pour cette tutelle que le prince précédent ne
l’avait été, et désirait et s’acquitter de ce devoir pour la libération de son pays.
: Si sa vie avait été assez longue pour cela, il est certain qu’il l’aurait
fait.
Après avoir
pris avec une ferveur et une fidélité toutes
chrétiennes le pouvoir que lui conférait sa fonction d’abbé[6], mais
auquel plus tard ses successeurs ont donné le titre plus arrogant de « duché, »
ce prince reçut pour son travail une part des domaines royaux en récompense. Ce
sont les évêques et les nobles du royaume tout entier, qui lui donnèrent
Ce nom (de Neustrie)
comportait toutes les terres entre
Quand ce
territoire lui fut donné tout entier, avec ses villes et ses comtés, ses abbayes
et ses châteaux, il ne manquait que les diocèses, - possessions royales -, il désira
renforcer l'ardeur de ses Comtes et des autres chefs pour la défense du pays.
C’est pour
cela qu’il les combla d’honneurs et de récompenses.
Alors
Hugues octroya la totalité du comté d'Anjou, qui était jusque là bipartite, à Foulques
le Roux, dont il était parent par sa grand-mère, raconte-t-on.
On lui accorda
aussi les monastères de Saint - Aubin et Saint - Lézin, autrefois possessions
royales. Tout cela lui fut donné par Charles le Simple, fils de Louis le
Fainéant le bègue. [Un long passage suit
dans lequel Foulques le Roux est décrit en termes tirés du travail de Salluste
sur Catilina.]
Foulques
alors prit alors une épouse noble du comté de Tours, nommée Roscilla, fille de
Warnerius. Celui-ci possédait trois châteaux en Touraine, Loches, Villentras et
La Haye. Deux d’entre eux furent ensuite acquis par Foulques de manière assez
frauduleuse.
Warnerius,
dont Foulques avait épousé la fille, était le fils d'Adelaudus, l'homme à qui
Charles le chauve avait donné Loches. [...]
Foulques
vécut longtemps et vit ses fils devenir adultes : l'un d'eux, appelé Guy,
qui avait été nommé évêque de Soissons par Hugues l’Abbé, fit des choses singulières,
mais surtout un exploit particulièrement noble et exceptionnel. Quand Charles
le simple, fils survivant de Louis le Fainéant, fut capturé par les Normands, Guy s'offrit en otage à sa place, et le fit
libérer de son emprisonnement. [7]
Foulques le
Roux avait un autre fils, appelé Ingelger, jeune homme fort et martial. [ici se
place la description d’Ingelger tirée du travail de Salluste sur Jugurtha].
Résistant
aux Normands il livra d'excellentes batailles ; mais fut capturé et tué par ses
ennemis, perdant ainsi la lumière de sa jeunesse.
Foulques le
Roux avait un troisième fils, plus jeune que les autres, dont nous parlerons
plus tard.
Alors Foulques
le Roux, ayant atteint la vieillesse, les pillages des Normands s’étant un peu
calmés, sentant la mort approcher (car sa vue faiblissait), fut soudainement pris
de remords d’avoir consumé sa vie en excès (car on dit qu’il avait été faible devant
la luxure et la convoitise).
Au seigneur Hervé, évêque d’Angers, un homme
très pieux, et qui craignait Dieu, il demanda le pardon de ses péchés, pour son
rachat il légua toute sa fortune aux pauvres, et donna en aumônes perpétuelles
aux monastères de Saint - Aubin et Saint - Lézin, où vivaient des
ecclésiastiques à cette époque là, l'excellent domaine de Chiriacum, situé près
de
Le clergé
de Saint Martin [d’Angers], après cette donation, reçut un sixième des revenus
du domaine par les deux autres congrégations.
A la mort de Foulques le Roux, un autre Foulques,
son plus jeune fils, surnommé « le bon, » lui succéda. L’histoire dit
que Foulques le Roux eut trois fils : l’évêque Gui, Ingelger et ce Foulques. Il
était d'un tempérament paisible, calme et doux. Que les meilleurs des hommes
préféraient louer ses propres exploits que de réciter ceux des autres: il a
cultivé son bon caractère dans la paix et
dans la guerre : un sens de la justice, de la concorde, et de l’absence d’avarice
l'a distingué. [8]
Il n'a fait aucune guerre, parce qu’à cette époque la paix avait été déjà faite
avec les Normands.
Une fois
que leur duc Rollon fut baptisé avec tous ses hommes, le duc Hugues et le roi
de France leur ont accordé la terre qu'ils avaient conquise à ce moment là. Une
fois que les Normands eurent juré de servir
En outre,
les Bretons furent assujettis à ces Normands par ordre du roi et du duc. [9] Ces
Bretons, à cause des trahisons qu’ils avaient commises précédemment, étaient si
opprimés par les Normands qu'ils ne pouvaient faire aucune de leurs attaques et
incursions habituelles contre leurs voisins, les peuples d'Anjou, du Poitou, et
du Maine.
A cette
époque là, Foulques le second, émule de la bonté, vivait en paix, absorbé dans
ses études ecclésiastiques de piété et de religion. Il donnait libéralement à
l'église de ses propres deniers, car il tenait en haute estime et honorait
grandement l'église de Dieu. Il avait une vénération spéciale pour l'église de Saint
Martin.
Il fut
inscrit au collège des frères du monastère de Saint Martin de Tours, et s’honora
d’y être connu comme une référence. Le jour de la fête du Saint il se tenait
dans le choeur avec les prêtres, chantant, en habit clérical, suivant leur règle.
A l’occasion quand il se trouvait célébrer un certaines fêtes annuelles, il donnait
en offrande un riche choix d'articles liturgiques. Il logeait avec les plus
humbles des prêtres, et faisait toujours attention à ce que la maison où il résidait
fut rendue belle par un splendide étalage d’ornements.
Son idée
était qu’après son départ, son hôte, précédemment de moyens modestes, serait
enrichi par ce qu’il laissait derrière lui. Il est réputé pour avoir fait ceci plus
d’une fois. Toutes les fois qu'il était en vue du monastère, venant de Tours,
il mettait pied à terre immédiatement et priait fidèlement, prosterné sur le
sol, se rappelant à quel point il avait de la chance de bénéficier de l'intercession
du Saint.
Ainsi, dans
cette période de paix, accordée par la bénédiction divine, ainsi que dit
au-dessus, au pays d'Anjou le Comte travaillait aussi dur qu’il pouvait à
réparer les églises, la ville et le territoire. Il
veillait à l'amélioration du bétail et de la culture et, désirant également
inciter d'autres par son exemple, il compensa les manques de périodes anciennes,
que la guerre constante avait aggravées, par une grande abondance des fruits de
la terre. À ce moment-là, beaucoup parmi les pays étrangers et les provinces
qui s'étendent tout près immigrèrent dans ce pays pour y vivre, en raison de la
nature compatissante du prince et de la générosité de la terre. Car cette
terre, parce qu'elle fut longtemps en jachère et sans semailles ni récolte,
était devenue plus riche resplendissante de fertilité, et dispensait ses fruits
et ses bienfaits de toutes sortes. Cette terre était recouverte en de nombreux
endroits par l'extension des forêts. Les nouveaux colons coupèrent ces forêts, employèrent
les terres défrichées, et la terre les récompensa ainsi avec un travail facilité.
Foulques le pieux a eu
trois fils, dont le plus vieux, Geoffroy, régna comme comte. Un autre, Gui,
était évêque du Puy. Le plus jeune, Drogo, était le bien-aimé de Foulques, qui
l'avait engendré dans sa vieillesse ; il fut formé dans les lettres et les arts
libéraux, et a succéda à son frère Guido comme évêque du Puy, avec la
bénédiction du Roi Hugues. Le comte Geoffroy, formé à la chevalerie à la
française, un homme plein de vigueur martiale dans le bras et la stature, se
montra exceptionnel au cours de nombreuses expéditions. Il brilla spécialement
par sa sérénité, et sa miséricorde ; il cultiva une certaine générosité,
s'opposa violemment à ses ennemis, et protégea son peuple avec vigueur, cela caractérisant
le meilleur des princes. En raison de son mérite exceptionnel et singulier, le
roi fit de lui et de ses héritiers ses porteurs d’étendard dans la bataille et les
porteurs de calice du couronnement royal ; le comte, portant le surnom de Grisegonelle,
gagna les récompenses les plus élevées grâce à sa droiture.
A cette époque[10] le Danois Huasten pilla les régions côtières
de
Geoffroy Comte d'Anjou, quand
le messager royal lui transmit l’ordre de venir à la cour du Roi pour
La scène avait eu de
nombreux témoins depuis les clochers [de Paris] et les meurtrières des remparts,
et bien qu'ils ne sachent pas de qui il s’agissait, ils enviaient sa bonne
fortune. Les parisiens, cependant se réjouissaient, remerciaient le Christ et
s’égaillaient hors des murs de la ville. Le porteur de la tête entra alors en
ville et, en présence du roi, jura qu'il ne connaissait pas l'identité du
chevalier, et qu'il ne l'avait jamais vu. Mais, s'il devait le revoir, il était
sûr qu'il l'identifierait. Le roi, pensif, resta silencieux.
Les Danois, affligés et en grande colère,
assaillirent violemment les Francs et multiplièrent leurs attaques. Ils laissèrent
Montmorency pillé et en flammes, et ravagèrent tout, de Senlis et Soissons
jusqu'à Laon. Au jour fixé les princes qui avaient été convoqués, à savoir les Ducs,
les Comtes et les notables de haute naissance de toute
C’est alors que des messagers apparurent
soudainement, annonçant que les Danois avaient établi leur campement dans la
vallée de Soissons, rejoints par d’innombrables chevaliers flamands, leur duché
étant très peuplé. A cette nouvelle, le roi s’adressa à sa cour ::
« Vous voyez, valeureux nobles, que je ne peux pas évoquer sans chagrin
les malheurs qui accablent le peuple Franc. Et que dire aux manants, quand bon
nombre d'entre vous, issus de nobles lignées, souffrent de la faim, et que le
fléau Danois ruine vos efforts? Vos champs, peuvent rarement être labourés. Ne
nous laissons pas, je vous le demande, dévaloriser par négligence. Race
intraitable ! Peuple invaincu ! N’ayez pas peur. La situation ne peut
être pire, la bataille est féroce, l'ennemi est nombreux et proche. A l’attaque,
valeureux chevaliers ! L'heure de la bataille a sonné ! Le moment est venu
de prouver votre force guerrière et la valeur de vos ancêtres. Assez de
paroles ! Que chacun se recueille ! » Les méditèrent les paroles
du roi. Certains répondirent : « Nous ne pouvons livrer bataille maintenant,
faisons une trêve, et livrons bataille plus tard quand nous aurons reconstitué
nos forces. » Mais Geoffroy Grisegonelle,
intervint : « Vous, les Comtes valeureux, vous qui êtes la fleur de
À ces mots ils montèrent à l’attaque, non sans
grande douleur de la part de leurs proches. Les uns et les autres firent leurs
adieux en larmes. Ils entrèrent alors dans la vallée de Soissons, belle dans
son uniformité, et là, chacun disposa ses troupes. Les chefs discutèrent de la
bataille, et en ceci firent confiance à l'Angevin Geoffroy. « Bien, »
dit Geoffroy, « chacun d’entre vous va rassembler ses hommes, et avancera ses
troupes au signal. Alors, que chacun combatte là où c’est nécessaire, avec lances
et épées, et se rappelle des exploits de nos pères. » Placés sur six rangs:
cinq attaquèrent, soutinrent le choc de la bataille en un combat féroce. Le roi
vint ensuite, avec ses propres troupes, pour voir l’avancement de la bataille, donner
de l'aide, et pour reprendre la main si les Danois dominaient.
Les trompettes éclataient, les cornes meuglaient,
de grandes clameurs résonnaient de chaque côté; bouclier contre bouclier, combattant
contre combattant; une fois les lances brisées, les épées elles-mêmes étaient ébréchées
et entaillées. Les rangs des Danois et des Flamands dans le corps à corps, débordaient
les Français et ceux-ci commençaient à refluer. Ils ne pouvaient plus résister
aux vagues de tant de nations, et, chancelant, commencèrent à battre en
retraite. Si grand était le vacarme du nuage de projectiles que le ciel
devenait sombre. Le roi se mit à gémir : il regarda autour de lui, comme doué de
seconde vue, et dit « O Christ, viens à l'aide de tes Francs ! » et à
Geoffroy, qui portait l’étendard du roi, il envoya un messager :
« Geoffroy, sautez sur votre rapide coursier et venez en aide aux Francs
qui défaillent. Je vous en conjure, par vos ancêtres, ne laissez pas souiller
la réputation des Francs. » Geoffroy, protégé par la sainte croix et
entouré de sa suite, prit rapidement place au sein des armées, et fut bientôt opposé
à un des plus courageux parmi les chevaliers danois. Geoffroy provoquait les
païens, en faisant danser les pennons de l’étendard royal à la face des Danois,
et en les effrayant par son formidable cri de guerre. Devancés par leur « centurion
en chef »,[12]
les Francs, reprenant courage, se ruèrent sauvagement sur les Danois, l’arme au
poing. Il y eut de grands chocs d’armures et d’épées, et des étincelles sur les
heaumes d’airain. Les blessures succédaient aux blessures et le champ de
bataille était rouge de sang. Vous auriez vu les intestins pendants, les têtes
coupées, et les corps démembrés de tous les côtés. Les Danois furent soudain saisis
de terreur, leurs rangs flanchèrent, et ils prirent la fuite. Les Francs les poursuivirent,
les abattant, les tuant, les foulant aux pieds. Beaucoup de chevaliers et
fantassins moururent, et les corps de leurs chefs furent retrouvés par la suite,
au milieu de ceux de cinq mille de leurs hommes. Ayant remporté une grande
victoire, les Francs retournèrent joyeusement vers leurs peuples, apportant
avec eux beaucoup de chevaux capturés et le butin de la bataille. Il y eut alors
de grandes réjouissances en France, et chacun remercia Dieu.
A ce moment
ce fut en Allemagne qu'une nouvelle guerre surgit. Un certain teuton de Souabe,
appelé Edelthed, qui était un descendant de Faramond et de Clovis, revendiquait
la couronne des Francs par droit héréditaire. Avec l'aide d'Otto, roi d'Italie,
il a attaqua
La reine, de
la famille de Geoffroy d'Anjou, lui envoya une partie de la ceinture de Marie
la vierge bénie, qu'elle avait en sa chapelle, une relique que Charles le Chauve
avait rapportée de Byzance. Elle lui commanda de l'attacher autour de son cou,
et l’assura qu’elle lui apporterait la victoire. Geoffroy partit au combat,
animé d’une foi encore plus grande. Berthold était un homme d'une telle force
et pugnacité qu'on ne croyait pas que quelqu’un oserait l’affronter. Il dit :
« laissons le venir. Je l'étoufferai comme un chiot misérable. » La
bataille eut lieu, et le combat fit violemment rage. Ni l'un ni l'autre ne tombèrent
au premier assaut, mais Berthold fut gravement blessé par le comte entre les omoplates,
alors qu’il faisait tourner son cheval. Son sang coulait fort. Tous deux combattaient
violemment et implacablement, leurs haumes d'airain résonnaient en écho, et aucun ne faisait quartier. Berthold
tomba de son cheval, et fut sur pied immédiatement. Le Comte, plein d'ardeur, mit
aussi pied à terre. Vous auriez vu leurs corps trempés de sang et sueur, mains
contre mains, pieds contre pieds, corps contre corps. A la fin le plastron de Bertold
était fendu et ses entrailles répandues, et Geoffroy Grisegonelle, ce puissant
guerrier, était victorieux. Les Francs remercièrent le Christ, tinrent une
célébration solennelle et louèrent Dieu.
Les Teutons et leur duc Edelthed retournèrent
sur leurs terres dans la confusion. Geoffroy sollicita la permission du roi et
de la reine de retourner sur ses propres terres. La ceinture lui fut donnée, comme
il le méritait, et il la fit placer dans l'église de
Du Comte Maurice
Maurice,
fils de Geoffroy Grisegonelle, un homme bon, prudent et honnête, un amoureux de
la paix, a régné sur son Comté davantage par la sagesse que par le fer. Il
professait que la compétence et la vertu donnent les meilleurs fruits quand
elles sont celles des amis proches. Pour cette raison il se montra généreux
avec sa famille et ses vrais amis, générosité au sujet de laquelle Cicéron
indique que[13]
le bénéficiaire doit s’en souvenir, et le donateur ne doit pas l’évoquer.
Maurice a affirmé que les gens
haut placés doivent parfois savoir se mettre au niveau de leurs amis moins
fortunés, et que les subordonnés ne devraient pas s'affliger d’être surpassés
par d’autres hommes dans la compétence, la fortune ou la dignité. Pour ces
raisons il a promu plusieurs de ses hommes et leur a conféré les honneurs les
plus élevés. [Un passage décrivant Maurice dans les termes d'un texte antique
suit ici].
Il prit pour épouse une fille
de la campagne d'A., la fille du Comte Haimo de Saintonge, nièce du Comte
Raymond de Poitou ; c’est de cette femme que Foulques Nerra est né.[14]
Une certaine canaille, pleine
de perfidie et de méchanceté, Landric de Dun(?), qui avait couvé de nombreux
complots contre le Comté d'Anjou, s’opposa à Maurice en assaillant injustement
et avec beaucoup d’efforts, les hommes liges du Comte dans Loches et Amboise.
Le Comte Geoffroy, le père de Maurice, avait légué Amboise à ce Landric, et lui
avait également donné une forteresse dans la partie méridionale de Châteauneuf.
Cet homme ingrat a rendu à Maurice les bontés que Geoffroy avait eu pour lui,
au mépris de Dieu, méfait pour bienfait. Il a pensé qu'il pourrait prendre
Amboise au Comte, suivant les conseils d'Odo de Champagne, qui a tenu Blois, Tours,
Chartres, Bria, et Champagne, avec la ville de Troyes, toute le chemin jusqu'à
la Lotharingie.
Descendant par Tours et
Langeais, il assiégea Valeia, avec l'aide de Gelduin de Saumur, qui tenait
Saumur, Ucceum, et beaucoup d'autres possessions dans les environs de Tours et
de Blois, dans le fief de l'Odo en question. Deux frères, Archambaud de
Buscenschaicus et de Supplicius le trésorier de Saint Martin, s’opposèrent à Landric.
Ils avaient tous les deux la confiance du Comte, et détenaient une part des droits
sur le fort d'Amboise par héritage. Ils avaient une maison fortifiée à Amboise,
dans un endroit où le trésorier, après la mort de son frère, avait construit
une forteresse en pierre.
Celui - ci attaqua souvent
Landric et ses alliés de cette place forte et cela au nom du Comte. Maurice fut
atteint par une grave maladie, et s’adressa ainsi à son fils Foulques, déjà
grand et déjà chevalier accompli, en ces termes : « Mon fils, aucune maison,
si elle a beaucoup d'amis ne peut être dite minuscule. Je t’invite à tenir pour
chers tous ceux qui nous ont été fidèles à tous les deux, de crainte
qu'autrement les mauvais échappent à leur punition. Le mal est toujours jaloux
du bien. Comme le dit Sénèque, il est plus facile au pauvre d’échapper au
mépris qu'au riche d’échapper à l'envie: qui épargne les mauvais nuit aux bons.[15] Je
vois que tu as, Dieu merci, hérité de la droiture de tes ancêtres. De ceci je
me réjouis, et t’ordonne de sauvegarder nos richesses, et ton frère. »
Avec ces mots cet homme distingué plia devant la nature [et mourut].
Foulques Nerra…
un jeune homme de belle carrure, commença à défendre le Comté contre ses
nombreux ennemis. De nouvelles guerres se déclaraient sans cesse, venant de
nulle part, contre le nouveau prince. À la demande de Landric le fourbe, Odo de
Champagne et Gelduin de Saumur essayèrent de chasser Foulques de Tours, pensant
qu’ainsi ils pourraient arracher Amboise et Loches au Comte.
Les évènements
d’alors leur avaient suggéré ce plan, car Supplicius le trésorier, à cause de
la mort récente de son frère, dirigeait seul Amboise, dont il était responsable
uniquement envers le Comte. Et notre sage héros, Foulques, ne remit pas à plus
tard son engagement et s’exposa au danger pour punir l'ennemi.
Quand il eut rassemblé
autant de soldats qu'il pouvait, il investit bravement la terre de ses ennemis,
et, au delà de Blois, arriva à Châteaudun. Les habitants du château, ceints des
emblèmes de la chevalerie et protégés par leurs armures, se constituèrent en
garnison ; et se rassemblant rapidement attaquèrent Foulques et ses hommes. Les
Angevins résistèrent à leurs attaques jusqu’au soir. Ils essayèrent de se
retirer, mais ce fut impossible, car les hommes de Châteaudun pressaient dans
le dos des « fuyards ». Les hommes du Comte, ne pouvant plus longtemps, ni se battre ni
mettre leurs ennemis en fuite, essayèrent de se rassembler et de reprendre le
combat. Les hommes d'Amboise avaient été envoyés en avant, les Angevins les encerclèrent
totalement et les défirent.
L’armée de Châteaudun prit peur et, se dispersa,
essayant de fuir. Le Comte, combattant dans son propre château les mit en fuite.
Beaucoup de bourgeois furent pris, d'autres passés par l'épée. Ils se reposèrent
là pour la nuit. Vingt chevaliers étaient captifs, attachés avec les autres prisonniers,
sous bonne garde. Le lendemain, les vainqueurs pillèrent la région, causant
bien du tort aux serfs. Heureux de leur victoire, ils sont retournèrent à
Amboise au bout de trois jours.
À Amboise le Comte assiégea la maison de
Landric ; ses hommes rassemblés cernèrent le bâtiment avec tant de fougue que
les assiégés abandonnèrent vite tout espoir de résistance. Sachant ils ne
pourraient pas tenir, ni éviter la punition et la mort qu'ils méritaient s’ils
étaient pris, ils commencèrent à négocier envoyant des messagers dire qu’ils
abandonneraient la maison, si le Comte épargnait leurs vies. Un conseil se tint,
et il sembla à tous que, sans risque pour eux les assiégeants, un grand danger
pouvait être évité. Ainsi accorda - t- on la vie aux assiégés et la maison, une
fois entre les mains des Angevins, fut complètement détruite. Landric et ses
hommes furent chassés du château. Alors Foulques, traversant la Loire, se
dirigea vers une maison, un asile sûr, alors appelé Caramantus, maintenant
villa Moranni. De là il est investit Valeia, passant par Semblenchiacum, un
autre endroit sûr, et par les terres de son vassal et ami Hugues d'Alvia,
seigneur d’un château appelé Castellum et également de Saint - Christophe ;
descendit vers l'Anjou, au grand déplaisir des citoyens de Tours. Il prit Mirebeau et Loudun, puis Chinon, qui
appartenait à Odo, et enfin Saumur et Montsoreau ; De là il s’attaqua aux
hommes de L'Isle-Bouchard, et revint vers Loches traversant la terre de Guenon,
qui appartenait au seigneur Noaster.
Alors Foulques,
son travail accompli, installa un guerrier belliqueux, Lisois de Basogerio
(Baugé ?), neveu du vicomte de Sainte - Suzanne, à Loches et Amboise, et ordonna
aux chevaliers, des plus grands aux plus petits, de lui obéir. Cet homme avait
des frères, des parents par alliance, des relations qui restèrent avec lui de
leur plein gré. Car celui qui, comme le dit Boethius, « qui abandonne un titre
bien établi, n'aura pas une fin heureuse. » [16]
Conan, Comte de
Bretagne, désirait surpasser les exploits de Foulques, [17]
ne montrait que mépris pour celui-ci, et fort de ses quatre fils, ne cessait de
ravager les frontières de l'Anjou. Il y avait une rivière,
Quand ses fils apprirent
que Foulques n’était pas là, ils furent fous de joie, sûr qu’ils l’emporteraient
sur les Angevins, qu'ils croyaient peu nombreux et sans armes.
Tandis que les Comtes
attendaient le roi à Orléans, Foulques se retira dans une maison pour se reposer.
Conan arriva à son tour dans cette même maison, (et seul un mur les séparait),
et avertit ses hommes que dans quatre jours ses fils seraient aux portes d’Angers,
et détruiraient tout devant eux.
Quand Foulques
entendit cela il sortit en hâte et se précipita au secours des Angevins, prétextant
qu’il partait pour Château-Landon.
Il
chevaucha jour et nuit, changeant de cheval sans arrêt. Quand il rencontrait
des hommes à lui, il leur ordonnait de le suivre. Au soir du second jour, il
est entra secrètement en Anjou, et rassembla des chevaliers et des hommes de
troupe hors de la ville. Au jour prévu, les Bretons se ruèrent aux portes d’Angers.
Foulques et ses hommes sortirent de leur retraite, poursuivirent les attaquants,
en tuèrent quelques uns et pourchassèrent les autres, qu'ils avaient contraints
à fuir. Quand les Bretons réalisèrent que le Comte était revenu, ils n’eurent plus
le courage de résister. Chacun se mit à fuir au plus vite. Deux des fils de
Conan moururent dans la bataille, et un nombre considérable de fantassins ; les
deux autres fils furent capturés, avec beaucoup de chevaliers, des barons et
des fantassins. Foulques repartit tout de suite à la cour royale d’Orléans, et,
le jour où le roi arriva, lui et un de ses chevaliers, montant le cheval pommelé
du fils aîné de Conan, mirent pied à terre devant la cour.
Les
Bretons demandèrent où on avait trouvé le cheval: la vérité éclata, et l’on
prévint Conan. Alors
Conan se lamenta et pleura devant le roi, et demanda la paix aux évêques, avec
l'intervention du Roi Robert, et de Richard, duc des Normands (qui avait épousé
Judith, fille de Conan), la paix fut faite. Le fils le plus âgé de Conan, Alain,
ainsi que son frère furent rachetés. Tous les captifs furent libérés contre
rançon, et Foulques prit possession en paix le Comté d’outre Mayenne.
De
sa femme, Foulques avait eu deux enfants, Geoffroy Martel et une fille appelée
Adela. Craignant Dieu, Foulques, partit
à Rome en pèlerinage, où il reçut des
bénédictions et une lettre papale, puis pour Jérusalem, qui à cette époque
était aux mains des infidèles. Quand il arriva à Constantinople il a rencontra Robert,
duc de Normandie, qui faisait le même voyage. Marié à Judith fille de Conan, Robert avait eu
deux fils, Richard et Robert. Richard, l’ainé, avait été empoisonné par son
frère Robert. Celui-ci, pour son crime envers Dieu, entreprit pieds nus le voyage,
alors qu’il était
Duc depuis sept ans. Auparavant il avait eu d’une concubine, Guillaume, le vaillant
homme qui conquit l'Angleterre, dit Guillaume le Conquérant.
Quand
Foulques trouva Robert et se joignit à lui, il apportait à l'empereur la lettre
du Pape. Tous sur l'ordre de l'empereur, furent menés à travers les terres des
Sarrazins par les hommes d'Antioche, qui par chance se trouvaient là. Robert mourut
pendant le voyage vers
En
ce temps-là on se plaignait beaucoup d'Odo de Champagne, et de Gelduin de Saumur
ainsi que de Geoffroy le jeune, seigneur de Saint - Aignan, qui multipliaient
leurs exactions sur les terres de
Foulques, pendant l'année et demie passée par celui-ci au loin. Gelduin, en
fait, avait fortifié la cour de Saint - Pierre de Pontlevoy comme si c'était la
sienne. Il n'y avait pas encore de moines en cet endroit. Foulques revint, et
construisit la forteresse de Montrichard sur une colline près du Cher, (qui
faisait partie des possessions de Gelduin et était le fief de l'archevêque des Tours),
après avoir détruit les villes de Reabblus Nobilis et de Nanteuil, entre
Montrichard et le Cher, deux villes du fief de Gelduin. Il nomma Roger le Diable,
seigneur de Montrésor, gardien de Montrichard.
Pendant ce temps, Odo rassemblait à Blois une
grande armée de chevaliers et d’hommes de troupe pour détruire Montrichard.
Quand Foulques apprit cela, il prit ses chevaliers et ses meilleurs soldats, s’allia
à Herbert, Comte du Mans, et partit rencontrer Odo. Celui-ci, confiant dans ses
troupes nombreuses, traversa la Brenne. Foulques, d’Amboise, atteignit un
endroit près de Pontlevoy. Herbert à cheval gagna les rives du Cher et y
établit son camp.
Que
dire de plus? Odo, comme frappé par la foudre, se tenait là le coeur rempli
d’effroi, ne voulant pas croire que les Angevins
oseraient l’attaquer. À ses hommes il dit en substance: « Versez toutes
vos forces dans la bataille, et que celui qui veut revoir sa maison, ses chers
parents, ses enfants et les biens qu’il a laissés derrière lui, regarde son épée
[19] »
La bataille commença. Foulques et ses
hommes étaient pressés de toutes parts. Foulques, tomba de cheval, a fut lourdement
frappé. Les hommes de Blois auraient remporté la victoire, si un messager n'avait
couru prévenir Herbert que Foulques avait été battu et capturé. Alors que la
rumeur se répandait dans toute l’armée, le Comte Herbert, un valeureux guerrier
s’il en fut, fonça vers le champ de bataille avec ses compagnons. Contre toute attente,
certains de ses amis appelés en renfort, étaient arrivés et donnaient du fil à
retordre à l’aile gauche de l’armée ennemie. Longtemps les Angevins tinrent
tête sous les coups – il plut à Dieu de leur en donner la force – et lis
déroutèrent leurs ennemis.
Les chevaliers d'Odo ne purent pas
résister aux coups féroces des hommes du Mans et d'Anjou, et durent fuir, laissant
sur les champs de bataille leurs soldats se faire massacrer.
Quand les Angevins en eurent fini avec
ceux-ci, ils poursuivirent les fugitifs aussi loin qu’ils le pouvaient et l’osaient,
abattant tous ceux qu’ils prenaient. Ils en tuèrent ou capturèrent environ six mille, le reste s’échappa,
où il le pouvait. Les ennemis tués, ou en fuite, les vainqueurs se mirent à
piller leurs châteaux, et, avec le fruit du pillage gagnèrent Amboise, enrichis
par le nombre de leurs captifs et par leur rançon.
L’année suivante, quand Odo de Champagne fut attaqué par le Duc de
Lotharingie, Foulques, prudemment, bâtit une forteresse à Montboyau pour
exercer une pression sur la ville de Tours, dont il convoitait la possession. Mais
Odo assiégea la forteresse, amenant avec lui une grande armée,
qu’il avait levée dans différents peuples, avec Gelduin de Saumur qui accourait
avec ses hommes. Foulques, dans sa sagesse rassembla autant d'hommes qu’il put
dans Valeia et, prenant conseil, car il n'osait ni ne pouvait combattre, (Odo
et Gelduin) traversa la Loire chevaucha toute la nuit, trouva Saumur vide de ses
défenseurs et y entra à l'aube, prenant toute la ville et la forteresse. Ceux de
la forteresse n'avaient eu aucun espoir de secours, nul endroit où aller,
seulement l'indignité de se rendre. Ils savaient que les Angevins étaient de
valeureux guerriers, et qu’ils iraient jusqu’au bout pour obtenir ce qu'ils étaient
venus chercher. Ils savaient aussi qu'ils seraient sans merci. C’est pourquoi
ils se livrèrent au vainqueur, sous la loi de la reddition. Ils dirent à
Foulques: « Vous devez nous laisser quitter la forteresse sans mal, nous
protéger de ces bouchers, nous laisser vous servir et nous laisser la vie. »
Le comte les laissa parler, leur donna la liberté, et fit une grande fête en
leur honneur.
Quand
on sut ce qu'il avait fait, et qu'il avait pris avec lui les hommes libérés,
ceci incita les autres à se rendre. Quand la forteresse fut prise et ses défenseurs
renvoyés, il la laissa à la garde d’hommes vigilants.[20]
Foulques,
qui avait gagné Saumur comme il le désirait, se remit en route, revint vers
Chinon, traversa la Vienne entre Noaster et L'Ile Bouchard sur un pont de
bateaux, et assiégea Montbazon. Odo se retira du siège de Montboyau et se lança
à la poursuite de l'armée de Foulques. Celui-ci, avec habileté, se retira de
Montbazon, revint vers Loches et établit son camp dans un champ.
Chacun
se reposa, alors, après avoir renvoyé ses hommes chez eux.
Mais
quand Odo arriva à Blois, ses messagers vinrent le prévenir que les Germains,
avec le duc de Lotharingie, avaient assiégé Bar-sur-Aube. Revenant en hâte vers
ses terres, Odo poursuivit les Germains, déjà repartis vers la Lotharingie. Il engagea
le combat et, bien que gravement blessé, en sortit vainqueur, mais mourut sur
le champ de bataille peu de temps après, laissant son fils Thibaut lui succéder
[1037].
Pendant
ce temps, Foulques prenait Montbazon, et le donnait en garde à Guillaume de
Mirebeau. Arnaud de Breteuil et d'autres traîtres vendirent leur seigneur Geoffroy,
prince de Saint-Aignan, à Foulques. Plus tard, en l’absence de Foulques, celui-ci
fut étranglé dans la prison de Loches par ceux qui l’avaient trahi.
Le
comte maria son sénéchal Lisois à la nièce de Supplicius le trésorier (à qui il
avait donné la forteresse d'Amboise et les terres attenantes) et lui a donna
aussi Virnullium et Maureacum et le vicariat de Champagne. Alors il légua ses
propres terres à son fils Geoffroy Martel, terres qui étaient en paix jusqu'à
la mort de Foulques, qui survint peu après [1040 environ].
Traduit de
l’anglais par Arlette Angelini et Patrick Jouet entre début février et début
mai 2007.
[1] Beaucoup de ce discours d'introduction est tiré de l'écriture
de l'historien romain Salluste, et en particulier de ses travaux sur Catilina
et Jugurtha (1er siècle Avant Jésus Christ). Les mots de Salluste sont indiqués
par des italiques ici ; notre auteur les a souvent réorganisés à sa façon d'une
manière qui renverse complètement la signification de Salluste.
[2] Le « il » ici n’est pas
identifié.
[3] Une référence à De
Senectute XV de Cicéron.
[4] Ce passage en italique est tiré de De
Senectute III, 9.
[5] Le grand père de ce garçon
était Louis le Pieux, fils de Charlemagne.
[6] C’est à dire un Comte qui est aussi un Abbé, c’est à
dire qui a le contrôle d’un monastère.
[7] Ici l’auteur fait une
confusion entre Charles the Simple et le
roi Louis IV ; les évènements décrits ont eu lieu en 945.
[8] Les mots en italique sont
une citation de De Senectute III, 9.
[9] C’est une tradition
normande, mais il n’y a pas de réelle preuve que les choses se soient passées
ainsi car
[10] L’histoire qui va suivre
est sans doute tirée d’anciens poèmes épiques, maintenant oubliés, dont
Geoffroy Grisegonnelle est le héros. Cette histoire est similaire dans le ton
et le style aux chansons de geste du XIIè siècle comme
[11] Une étoffe de laine grossière
[12] Ici comme ailleurs, l’auteur se réfère aux textes et
termes classiques pour la description de ces batailles.
[13] Ciceron, De l’Amitié 20.72.
[14] La généalogie de cette femme est probablement forgée de toutes pièces afin
de justifier les prétentions des Angevins sur
[15]Seneque, De
moribus 114 & 133.
[16] Boethius, Consolation de
[17] Une curieuse phrase qui
laisse penser que l’auteur appelle une variété de seigneurs "Comtes."
[18] Les mots en italique sont
de Lucain, Pharsalia IV.13-16.
[19] Le texte en italique est
tiré de Lucain Pharsalia 339, 344-349.
[20] Saumur fut prise en 1026